Après une longue absence due à la fin d’année universitaire et à de longues
vacances bien méritées, je me remets enfin à publier sur ce blog. J’aurais aimé
avoir quelque chose de plus « croustillant » à disséquer présentement
mais je devrai me contenter d’une proposition de loi qui risque de faire
frissonner bon nombre de blogueurs anonymes (je pense notamment aux Mes Mô et Eolas).
Le sénateur
(non-inscrit) Jean-Louis Masson, bien connu des assemblées parlementaires pour
ses (très) nombreuses questions[1], a décidé de justifier son traitement en déposant
une proposition de loi « tendant à faciliter l’identification des éditeurs de
sites de communication en ligne et en particulier des +blogueurs+ professionnels et non professionnels ». Dans la mesure où l’idée est
des plus liberticides, il semble que la proposition ait peu de chances d’être
votée par le Palais Bourbon mais toujours est-il qu’il compte aller jusqu’au
bout, puisqu’une rapporteure, Marie-Thérèse Bruguières, a été désignée.
Ainsi, l’article
unique de la proposition de loi dispose que :
« L'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique est ainsi modifié :
1° Au c) du 1 du III, après les mots : « Le nom », sont insérés les mots : « ainsi que l'adresse électronique » ;
2° Les deux alinéas du 2 du III sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
+ Les personnes éditant à titre non professionnel un service de communication au public en ligne sont soumises aux obligations d'identifications prévues au 1. Par mesure de simplification, elles sont cependant assimilées au directeur de la publication mentionné au c) du 1 du III. + »
Depuis toujours le statut du blogueur est un peu nébuleux, sans être
directeur de la publication il est néanmoins soumis au même régime dans les
faits ; il peut se retrouver en garde à vue et devant les tribunaux en cas
de problème… Logique puisque l’abus de la liberté d’expression est prévu et
réprimé par la loi du 29 juillet 1881 ! Pour le coup, il s’agirait donc d’affirmer
la position de l’intéressé et de lui faire appliquer de iure l’article 93-2 de la Loi n°82-652 du 29 juillet 1982 sur
la communication audiovisuelle.
Là où le bât blesse véritablement, c’est
qu’en voulant aligner le régime applicable aux blogueurs sur celui des
professionnels de l’information (même s’il s’agit d’un blog amateur) l’anonymat
se devra de disparaître. La proposition
porte donc sur une modification de la loi sur la confiance dans l’économie
numérique en interdisant aux « personnes
éditant à titre non professionnel un service de communication au public en
ligne» d’utiliser leur hébergeur comme bouclier face aux possibles réclamations
sur le contenu du site, commentaire ou biller, pour préserver leur anonymat. En
fait, les mentions légales du Maître deviendraient donc désuètes et il
devrait opérer un changement radical !
En effet, si la proposition de loi venait à être votée par les deux
chambres du Parlement, n’importe quel blog devrait comporter les mentions
légales suivantes, selon le 1 du III de l'article 6 de la LCEN :
«Les personnes dont l'activité est d'éditer un service de communication au public en ligne mettent à disposition du public, dans un standard ouvert :
a) S'il s'agit de personnes physiques, leurs nom, prénoms, domicile et numéro de téléphone et, si elles sont assujetties aux formalités d'inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, le numéro de leur inscription;
b) S'il s'agit de personnes morales, leur dénomination ou leur raison sociale et leur siège social, leur numéro de téléphone et, s'il s'agit d'entreprises assujetties aux formalités d'inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, le numéro de leur inscription, leur capital social, l'adresse de leur siège social;
c) Le nom du directeur ou du codirecteur de la publication et, le cas échéant, celui du responsable de la rédaction au sens de l'article 93-2 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 précitée; + ainsi que l'adresse électronique +;
d) Le nom, la dénomination ou la raison sociale et l'adresse et le numéro de téléphone du prestataire mentionné au 2 du I (l'hébergeur)».
On sait depuis un rapport
de Danièle Giazzi sur « les médias
et le numérique », remis au Président de la République en septembre
2008, que la France compte environ 9 millions de blogs dont 2,5 millions sont
actifs. Nous arrivons donc au quatrième rang mondial, talonnant les États-Unis,
la Chine et le Japon.
En venant contraindre la liberté fondamentale
aux seules fins de prévenir de possibles propos diffamatoires, on en viendrait à
privilégier le politiquement correct en mettant à l’écart des propos bien
souvent proches de la réalité qui ne peuvent être portés à la connaissance de
tous que par anonymat.
Le choix de publier sous son nom ou
sous un pseudonyme ne date pas d’aujourd’hui et j’attends avec une grande
impatience la réaction de tous les écrivains et journalistes agissant sous
pseudos !
Omnibus
(et pour longtemps !)
[1] : Il en est déjà à 5691 et confond parfois son rôle parlementaire avec celui de Madame Michu, pauvre retraitée qui interroge tout le monde sur les questions existentielles du quartier qu'elle habite !
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